« Une vie ne s’amorce jamais sans le contrôle du Destin. Quoi que l’on y fasse. Il y a toujours une bavure dans les plus belles histoires, un côté sombre qui rôde derrière cette énorme parcelle de lumière que peut avoir une existence heureuse. Tellement de choses négatives qui font que la vie est ainsi, paraissant normale aux yeux des tous, car c’est bien connu, la perfection n’est malheureusement pas de ce monde …

« Azraël, écoutes, c’est très important ! » Se fit entendre une voix pas loin de lui. Mais il ne quittait pas du regard le parc à enfant. Pourquoi n’avait-il pas le droit d’y aller ? Pourquoi devait-il écouter l’ainé de ses frères lui parler de chose sombre et maléfique nommé les démons ? Relevant son regard vers Jayden, le petit lui demandait d’une petite voix innocente qui ne comprenait pas : « Pourquoi je n’ai pas le droit de jouer avec les autres enfants ? » L’ainé dévisagea son petit frère, se demandant d’un côté pourquoi l’enfant ne comprenait pas avant de se souvenir que lui aussi, au même âge il avait eu la même question. Il se penchait sur lui, caressant la joue de l’enfant et lui chuchota à l’oreille la réponse : « Car plus tard, tu les sauveras de la perdition. Car tu seras le rayon de soleil dans ce paysage gris et sombre de la vie. Car tu es un Exorciste Azraël. »

L’agilité. La vitesse. L’endurance. La force. La maîtrise. La sagesse. La connaissance. La souplesse. La tactique. C’était ce qu’il apprit jours après jours, mois après mois, années après années. Sans pause, sans temps de jeu, sans enfance. On avait décidé pour lui avant même qu’il ne naisse qu’il deviendrait un traqueur. Il n’avait pas son mot à dire. Et pour atteindre cette perfection que sa famille recherchait en lui, ils le coupaient de tout. Azraël avait le droit de sortir de temps en temps, mais seulement pour aller chercher de nouvelles munitions. Mais il prit une fois contact avec un autre enfant externe de sa famille. C’était il y a vingt ans de cela, lorsqu’il avait onze ans. Kaitlyn, la plus grande de ses deux sœurs l’avait prévenu de la venue d’un ami à son père. Un autre exorciste. Azraël avait d’abord hoché distraitement la tête, concentré sur la branche qu’il taillait, pourquoi viendrait-on le prévenir d’une arrivée qui ne le concernait pas ? Sa sœur insista pour qu’il vienne, lui disant qu’il allait avoir une surprise. Le jeune homme, comprenant que son père voulait le voir, sûrement pour le rabaisser devant l’un de ses collègues, se levait sans conviction et la suivit. Il savait parfaitement que ce n’était pas ainsi qu’un enfant d’onze ans devrait réagir mais au fond, il ne savait pas comment un enfant d’onze ans réagirait. Il avait certes une cousine du même  âge que lui mais n’éprouvait aucune envie de passer son temps à tripoter une poupée et à colorier des formes grotesques sur une feuille.

« Je suis là mon père. C’est avec plaisir que nous vous invitons dans notre demeure Monsieur Strokes. » Dit-il, pénétrant dans le salon prévu pour les invités. L’invité et son père se tournèrent d’un même mouvement vers lui et un instant il crut avoir fait une erreur. Il avait mal utilisé les mots de salutations ? Aurait-il fallu qu’il frappe avant d’entrée ? Une grimace déforma un instant ses lèvres avant qu’il ne retrouve un visage neutre. Il attendait la remarque péjorative de l’invité et les sous-entendus blessant de son père. « C’est lui ton fils dont tu m’as parlé ? » Hochement de tête de Monsieur Lewis. L’invité n’ajouta rien et finalement son père lui dit : « Je dois discuter avec Monsieur Strokes, ton cours avec moi de cette après-midi saute et comme je ne veux pas que tu te retrouves en liberté trop longtemps, tu t’occuperas du fils de Monsieur Strokes le temps qu’il sera occupé avec moi.  Tu peux disposer. » Aucune marque d’affection, comme toujours. Azraël en avait l’habitude mais ça faisait toujours mal. Partant rapidement de la pièce, il retourna dans le jardin. Le fils de Monsieur Strokes ? On ne lui avait pas parlé d’un fils. Rangeant son couteau dans sa poche, ne désirant pas devoir recommencé à chercher  ce dernier dans toute la maison, comme la dernière fois où Maël, le plus jeune après lui, lui avait caché. « Moi j’ai six ans et demi ! » Se retournant brusquement, le cadet des Lewis dévisagea le gamin qui avait légèrement reculé face à son mouvement. C’était lui. « Et moi je m’en fiche. » Se rasseyant, il reprit son bout de bois coupé et continua à le limer sans faire attention à l’enfant. Il ne l’observait pas mais était prêt à l’arrêter s’il cherchait à partir. Mais apparemment il ne voulait pas bouger, tombant piteusement au sol devant lui. « Je me nomme Isaac, toi c’est quoi ? » Relevant le regard vers lui, il s’intéressa un instant à ses iris verdâtre avant de se reconcentrer sur sa branche. Au bout d’un moment, le jeune exorciste laissa tomber : « Azraël. » Le petit, heureux de voir qu’il acceptait la discussion se mit à parler d’un peu tout, des questions extensionnels pour un gamin de six ans comme des sujets quelques peut intéressant. Azraël ne l’écoutait pas au début mais finalement un sourire sincère mûrit sur ses lèvres.

La crise d’adolescence, il ne sait même pas ce que c’est. D’après la définition dans un dictionnaire, c’est des troubles en rapport avec la phase de transition entre l’âge enfant et l'âge adulte qu’est l'adolescence. Il a déjà été enfant ? Non. Il était déjà adulte dans sa tête, on lui avait appris à penser, agir, vivre comme un adulte. Alors la crise d’adolescence il ne savait pas ce que c’était. Ou du moins il se doutait qu’il n’en n’aurait pas. Azraël avait eu le loisir de voir Maël, Jason, Devon, Tyler et Nathan passer un à un leurs crises d’adolescence. Et il n’avait aucune envie d’avoir pareil. Il était déjà détesté de son père mais il se mettait à s’opposer à son paternel, les baffles ne se retiendraient plus. Il continuait à obéir, à apprendre, à recommencer,  à se relever. Même quand la fatigue pesait sur ses épaules il ne se démontait pas. Car c’était sa vie, lutté encore et toujours. Car il avait compris ce qu’on voulait de lui. Jayden lui racontait souvent le soir ses aventures, ses chasses et les rencontres avec les femmes. Il n’y avait aucune honte entre frères et lorsqu’il avait une question, il n’hésitait pas à demander à l’ainé. Se demandant souvent ce qu’était l’amour, il n’avait souvent que de vague réponse, des métaphores et des sous-entendus. Jamais de vraie réponse. Alors au final il avait laissé tomber, se concentrant pleinement sur la maîtrise des armes et de la théorie. Lorsqu’il eut dix-sept ans et demi, son entraînement devenu encore plus dur. Les coups n’étaient même plus retenus. Il allait au lit souvent avec des hématomes et des muscles douloureux. La veille de son anniversaire, quelque chose de bizarre se produisit, tout le monde était à ses soins, même son père se préoccupait de lui.

Toute la famille était réunie dans le sous-sol aménagé pour l’occasion. Il y avait tous ses cousins, ses tantes et tonton ainsi que des gens qu’il n’avait jamais vu. Au centre, engaîner à une chaise, un corps immobile. Azraël eut le droit de prendre les armes qu’il veut pour cette occasion. Choisissant son couteau fétiche ainsi qu’un pistolet à plomb, un Dan Wesson 8’. Il avait aussi un révolver chargé en balle bénite. Les deux armes étaient de chaque côté de ses bras, sur un holster d’épaule à prise horizontal, sagement dans leurs étuis alors que son couteau était lui dans la poche intérieure de sa veste. Il se doutait bien qu’il y allait avoir quelque chose mais avait confiance en sa famille alors se laissa amener par Jayden jusqu’au sous-sol. La voix grave de son père lui souhaitait la bienvenue, lui disant comme il est heureux de voir ce qu’il était devenu. Sans dire un mot, Azraël a suivi les ordres de son père, s’approchant du corps inerte au milieu. Au moment où il sortait son couteau, le corps fut secoué de violent soubresaut avant qu’il ne redresse la tête, plongeant ses yeux entièrement noirs de jais dans les siens. Le jeune exorciste baissa les yeux et vu le symbole au sol, comprenant ce qui était devant lui. Un démon. Comme on lui avait appris, il tortura le démon, faisant glisser son couteau sur sa joue, tirant une balle dans ses deux cuisses avec son révolver. Puis, sachant qu’il devait l’exorcisé pour en finir avec son entraînement, il se recula, rangeant son couteau après l’avoir essuyé et commença l’exorcisme. Il connaissait les paroles en latin, connaissait aussi la version longue et pour que son père soit fier de lui, il dit clairement la version longue de trois paragraphes. Azraël resta de marbre face à la souffrance et la haine du démon qui criait, augmentant le volume de sa voix pour se faire entendre et termina en murmurant ses mots, voyant la fumée partir de son corps pour s’enfoncer dans le sol : « Te rogamus, audi nos. »

Il avait compris maintenant la métaphore de son grand frère. Il était le sauveur de Misty Hill. Il était un Exorciste. »