elle ne vit ici que depuis un an mais tout l'étouffe si bien qu'elle a l'impression que cela fait cent ans. C'est l'austérité qui fait ça, ou du moins s'en persuade-t-elle jusqu'à y croire. Rikke souhaiterait ne jamais être tombée sur l'annonce de cette petite maison de campagne qui resplendissait sur les clichés, baignée de soleil et couverte de lierre, géographiquement loin de sa famille, aussi avait-elle sauté sur l'occasion. Puis son époux n'y voyait pas d'inconvénient...

les rues sont trop sombres, le hululement des chouettes trop forts, et le folklore trop présent. À chaque sortie dans l'enchevêtrement confus de rues et de ruelles, Rikke rencontre au détour d'une elle un vieux fou édenté, les yeux brillants de fièvre et le front en sueur, déblatérant sur sorcières et démons... mais il n'est pas le seul à regarder son passage d'un œil mauvais. Les habitants jettent sur elle des œillades méfiantes et agressives. La seule chose qu'elle semble partager avec eux sont ses croyances catholiques...

terriblement pas ; à vrai dire, elle ne sait même pas ce qui lui arrive depuis son enfance. Elle a juste apprit à vivre avec, se demandant parfois pourquoi elle dispose de cette chose qu'on appelle don. Elle ne voit que sa grand-mère Ulrike se pencher près de son oreille, la calmer de simples mots lorsque ses crises font leur apparition. Ulrike qui se trouve encore en Allemagne, dans l'ossuaire familial des Bergmann ; Ulrike qu'elle ne verra plus que dans ces fugaces visions. Rikke ne sait pas qu'elle voit les morts tant elle les côtoie tous les jours ; elle ne fait pas la différence... elle ne fait que percevoir la douleur des mourants et ces présences qui l'entourent semblent s'imprimer en elle et ne plus la quitter.


un non catégorique figure en gros dans sa tête ; non, non, non et non. Tout ça n'existe pas, ce ne sont que des chimères, les Bergmann eux mêmes le disaient même si Ulrike ne les approuvait pas. Elle parlait de légendes, et de démons venus pour la chercher ; mais tout cela n'était que des histoires pour l'effrayer quand elle était petite, dont la moralité n'était que de bien se comporter. Alors Rikke cessa d'y croire, rejetant leur scénario pour s'accrocher aux valeurs. Elle ne tente que de faire le bien, mais rien n'est jamais blanc.


elle rêve des vertes contrées allemandes qui s'étendraient devant elle. Leurs routes qui serpentent, vallonnées et entourées d'immense étendues vertes. La pluie qui clapote sur leur sillage, glaciale et purifiante ainsi que sa petite maison à la porte bleue où elle rêvait de s'installer lorsqu'elle était petite. Tout cela lui donne envie de quitter l'Ecosse mais Misty Hall demeure la seule destination aux habitations pas trop chères, et d'une communauté trop fermée pour parler de son arrivée ici. Elle préfère demeurer ici dans le secret, pour éviter tout contact avec sa famille...