«  C’est dans une petite ville de l’État du Tennessee que notre histoire prend racine, plus précisément au sein de la ferme de la famille Fimmel, où tout le monde est fortement consacré au culte de Dieu. Les enfants s’activent tous les jours pour aider leurs parents et être de bon élèves alors que leurs géniteurs veillent, quant-à-eux, à ce que leurs petits reçoivent tous les enseignements nécessaires à leur bonne éducation. Oh non, le mode ne vie n’y est pas aussi strict que chez les Amish, mais pour Mary et John qui se sont rencontrés il y a maintenant près de quarante-cinq ans, le culte du dimanche et les prières à chaque repas font partie du quotidien. La sobriété, tant dans l’habillement que dans la décoration de l’intérieur de la maison, est également un mot d’ordre... mais laissez-moi donc vous introduire à la f… « COMMENT VOUS POUVEZ ME FAIRE CA ?! JE SUIS VOTRE FILS ! » Ah... oui... vous n'arrivez pas au bon moment... j'oubliais que le petit dernier avait sa séance de purification de l'âme aujourd'hui. On dit que le diable s'est emparé de lui depuis quelques temps, qu'il n'est plus le même.

Le prêtre s’approcha du lit sur lequel l'adolescent d’âge moyen était attaché et se débâtait, bible et crucifix à la main. Alors qu’il commençait à proférer des paroles sacrées, le pauvre homme dut malheureusement s’interrompre en raison du crachât qu’il venait de se recevoir en pleine figure. « DITES LUI D’ARRÊTER ! » Les yeux clairs du garçon foudroyèrent ceux de l’exorciste, puis se braquèrent sur ses parents avec outrance. Sa mère, en pleurs, fut obligée de détourner le regard aussitôt, incapable de supporter la vue de son propre enfant ainsi maltraité. Qu’avait-elle fait de faux pour que le Seigneur maudise sa famille ? Pourquoi fallait-il que cela tombe sur lui ? Irvine était pourtant si intelligent et sage, comment avait-il pu tomber ainsi dans le vice ? Allez courtiser les filles des voisins et autres familles de la ville de la sorte ? Les cris suffocants du damné retentirent dans toute la pièce pendant d'interminables secondes, obligeant tous les témoins à sortir de la pièce pour que le travail puisse se faire correctement. Une fois la porte refermée, tout s’arrêta brusquement au bout de quelques minutes, tandis que la respiration forte de l’adolescent se calmait, donnant ainsi l’impression que les efforts du prêtre portaient finalement leurs fruits.

« Est-ce que ça va mon garçon ? C'est terminé... repose-toi, tu es guéri. » Et voila la première chose que j’ai entendue en revenant à moi. Ce type qui prétendait faire le bien et qui prêchait Dieu chaque semaine… j’avais dû le supporter pendant des années sans rien oser dire, entrer dans des églises à contre cœur et voir sa tête de rat à toutes les occasions possibles et imaginables… et puis voila qu’aujourd’hui, pour récompenser mes efforts, il m’avait attaché à un lit pour m’obliger à subir son rituel de purification. L’écouter me parler comme si de rien n’était, là, après m'avoir fait tant de mal,  attisait ma colère et je prenais progressivement conscience du fait que j’aurais dû être un peu plus patient avant de faire ce que je voulais de ce corps humain que j’habitais. Hum... oui, c'est vrai que débaucher plusieurs filles alors que je n'avais pas été élevé dans ces mœurs était très suspect... mais bon, j'en pouvais plus. À présent que la séance de torture était terminée, je me sentais humilité, affaibli et très embêté pour la suite, mais surtout… je souffrais physiquement. L’eau bénite de tout à l'heure me brulait encore et mes muscles en tremblaient de douleur… néanmoins… il n’était pas question de laisser marcher dessus plus longtemps. Qu’est-ce qu’il attendait de moi, ce vieux schnock ? Que je le remercie d’avoir sauvé mon âme pervertie par le Diable ? « Je… vous… merci, mon père… » Mes yeux se posèrent sur lui doucement et je me forçais à lâcher quelques larmes, tout en tirant sur les liens qui contenaient toujours mes poignets, histoire d’attendrir mon interlocuteur qui mordit à l’hameçon aussitôt en me détachant une main. Presque instantanément, je levais alors mon bras libre et déposais mes doigts sur le crucifix que portait l’homme autour de son cou, sans être brusque pour autant. « Mon père… ? » Le contact visuel se stabilisa entre nous et j’attendis encore quelques secondes après son « oui ? » hésitant pour me redresser sur le lit. Le temps de sonder son âme, le temps d'y planter mes griffes et de la soumettre à ma volonté. Finalement, un sourire se dessina sur mon visage et je penchais légèrement la tête sur le côté, remontant ma main sur le torse de mon aîné en même temps. « Je sais que vous ne pouvez pas le dire autour de vous… mais j’ai toujours su ce qu’il y avait dans votre esprit au sujet des interdits… c'est difficile de pas aimer les nanas, hein? » Je ne sais pas si c’était mon besoin de vengeance qui avait rendu mon hypnose aussi efficace, mais il n’avait pas fallut plus que quelques mots caressants, un regard conciliant et le suçage langoureux de l’un de ses doigts pour convaincre mon interlocuteur de s’adonner à moi sur le champ. Il comprenait ce qui était en train de se passer et le regrettait déjà, oh oui, mais ses désirs étaient plus forts que lui, j'étais plus fort que lui. D'ailleurs, je n’aurais pas imaginé qu’un prêtre puisse se montrer aussi brutal au lit... ni qu’il refuse de me détacher totalement pendant qu’il se faisait plaisir. Ne soyez pas choqués, mais ô quel bien être j’ai pu ressentir en entendant les anges pleurer au loin et en soupirant d’aise pour leur faire ravaler leurs principes de vie. C'était un bras d'honneur à tout ce qu'il y avait de Saint, qu’ils aillent donc se faire voir, ces emplumés. J’allais répandre la corruption dans cette gentille petite communauté avant de m’en trouver une autre où l’on me laisserait tranquille et puis j'allais retrouver mes potes pour pas être tout seul.... mais surtout, j'éviterais de baisser de nouveau ma garde à l'avenir, car cette séance d’exorcisme m’avait sincèrement traumatisé, même si j’étais trop fier pour l’avouer.

« Come on ! Everybody get up ! » Un rire sincère s’échappa de ma gorge alors que presque toutes les personnes présentes dans le club se levaient de leurs sièges en entendant la musique entrainante provenant des enceintes. C’était la fête ! Tous les week-ends, c’était la fête… et ça recommençait encore et encore, me donnant ainsi l’impression que ça ne s’arrêterait jamais. Depuis que j’avais quitté le bled où j’avais atterri sur terre (soit le pire endroit où l’on puisse faire débarquer un démon dans mon genre… j’aurais préféré renaître dans le quartier défavorisé d’une grande ville et éviter de perdre mon temps), je me lâchais enfin. Impossible de déployer mon potentiel à 100% dans un lieu où l’on prêchait Dieu à tous les moments de la journée… les gens étaient rigides et c’était dangereux pour moi, à tel point que j’avais dû faire profil bas après mon altercation avec le prêtre, malgré ma volonté première de pourrir la population du village, pour ne pas me voir faire renvoyer aux enfers trop rapidement. Ah oui, monseigneur avait d’ailleurs fichu le camp de la région le soir même ayant suivi son instant de faiblesse... hehehe… j’imagine qu’il ne pouvait plus se regarder dans un miroir après ça et c’était bien fait pour sa gueule de con. Quand à moi, je me suis déplacé dans le pays en visant les plus grandes agglomérations, vivant de peu mais vivant bien, que ce soit aux crochets d’une femme riche qui se redécouvrait une sexualité à mon contact ou alors au sein d’une bande de hippies des temps modernes avec qui je faisais un peu de route avant de m’arrêter là où l’énergie était assez sexy à mes yeux. Si dans le Tennessee, j’étais vu comme un monstre, à New York ou à Las Vegas, on me considérait comme un Dieu et ô que j’aimais ça ! Les jeunes s’amusaient aux fêtes que j’organisais, c’était de la folie… j’ai vraiment adoré mettre mon grain de sel dans ces endroits ouverts aux nouvelles expériences et à l’excentricité..

Presque vingt ans passés à m’imposer dans les coulisses de boites de nuits, à jouer aux entremetteurs fâcheux lors de soirées huppées et à corrompre l’âme d’un tas de personnes sans m’en lasser… si ça c’est pas un super CV, je ne sais pas ce qu’il vous faut. Contrairement à la plupart de mes collègues, je n’ai cependant presque jamais tué qui que ce soit de mes propres mains, c’est vrai… mais en compensation de ça, je rends les gens fous au fur et à mesure que le temps passe et ça me semble tout aussi honorable que le meurtre, puis-ce que le taux de suicide à tendance à augmenter quelques mois ou années après mon passage où que ce soit. Et dire qu’il y a encore des petits inconscients qui s’amusent à m’invoquer lors de soirées entre amis… parfois, j’ai presque envie de leur dire « non, les enfants, c’est pas bien, je repars. Écoutez vos parents et soyez sages » … mais ce serait comme de décevoir la clientèle.

Cela fait maintenant trois ans que je me suis installé en écosse. Il est vrai que parcourir le monde était très distrayant, mais à la longue, j’ai commencé à m’ennuyer un peu de toujours faire la même chose et de n’avoir personne avec qui partager… ce qui me manquait ? L’entourage, naturellement. J’avais besoin de retrouver mes amis, alors je me suis mis à les chercher jusqu’à me retrouver dans cette petite ville pourrie jusqu’à la moelle. Oh, c’est pas le top, il pleut souvent et l’ambiance y est vraiment très stéréotypée, mais j’apprécie le fait de m’y sentir plus chez moi qu’ailleurs. Je sais que je finirais par repartir un jour, mais pour le moment, Misty Hill est un bon point d’ancrage. Quoi ? Vous pensiez que les démons n’avaient pas de cœur ? Bien sûr que si, comme tout le monde ! Il est juste tourné à l’envers, je crois…