« Je suis née dans une ville pas tout à fait comme les autres. Une ville qui fait peur à un grand nombre de personnes. Une ville qui serait habitée par des démons et autres créatures dans le même genre. Il paraîtrait même que certains démons utiliseraient le corps de personnes innocentes pour revenir parmi nous. Ainsi il est difficile de faire confiance aux gens, même à notre entourage le plus proche. Effrayant et déroutant, n'est-ce pas ? Et pourtant j'y vis encore, avec inconscience et insouciance, comme lorsqu'on a cinq ans. L'enfance, une douce période de naïveté, où l'on croit que nos rêves sont bels et bien réels, où l'on croit que tout est possible si on y croit fort. Moi je n'échappe pas à la règle. Du haut de mes cinq ans et de mes cent cinq centimètres, je n'ai pas peur de ce que l'on raconte, de toutes ces histoires, parce que j'y suis habituée. Quand on vit dans une ville telle que Misty Hill on apprend à braver ses frayeurs et affronter ses peurs. Peut-être suis-je également trop jeune pour réellement comprendre ce qu'il se trame réellement dans cette ville maudite. Trop jeune pour être au courant, ou tout simplement me rendre compte, de la triste réalité qui m'environne. Moi je vis dans ma bulle, mon petit cocon à moi, bien en sécurité dans les bras de mon papa. Je m'imagine une vie, pleine de rebondissement et d'aventure, une vie fantastique. Alors Misty Hill, c'est un peu mon Pays des Merveilles à moi, en moins beau et en plus dangereux, certes, mais c'est mon monde à moi. Pas celui d'Alice. Celui de Lisana. Sauf que moi je ne suis pas un personnage de conte, et qu'au final, on est jamais sûr de pouvoir s'en sortir indemne.


Allongée dans mon lit, je regarde mon père tourner les pages de mon livre favori. Je le connaissais par coeur, et pourtant je ne m'en lassais pas. Je l'écoutais lire les pages, les unes après les autres en tentant de prendre une voix différente pour chaque personnage. Au début ça m'avait fait rire, surtout quand il avait pris une voix efféminée pour Alice. Mon papa, il est toujours prêt à tout pour me faire plaisir, même à faire des choses bêtes. C'est ce qui fait de lui le meilleur père au monde à mes yeux. À chaque fois qu'il me racontait une histoire, je m'imaginais les mêmes aventures que les personnages. Moi aussi j'aimerais vivre de grandes aventures quand je serai plus grande. En attendant j'étais bien avec papa pour le moment. Lorsqu'il fermait le livre après l'avoir terminé, je le regardais, en souriant légèrement. Mon sourire ne quittait jamais mes lèvres, c'était sûrement l'une de mes qualités. « Papa, tu crois que je pourrai aller au pays des merveilles moi aussi quand je serai plus grande ? »  Il me souriait en caressant ma longue chevelure blonde. J'aime bien quand il sourit, ça prouve qu'il est heureux. « Peut-être un jour, princesse. Mais avant tu dois dormir un peu, il y a école demain. » Peut-être un jour. Il ne voulait pas briser mes rêves et ainsi me faire perdre mon innocence. De toute façon il savait très bien que dans cette ville, on ne la gardait jamais vraiment longtemps. À Mist Hill, l'insouciance de l'enfance ne durait jamais plus d'une petite dizaine d'années. Jusqu'à ce qu'un enfant soit assez grand pour comprendre ce qui s'y passe. Mon père essayait de me protéger de ce qui nous entouré, de toutes ces horreurs qui se passaient ici, mais même lui ignorait combien de temps il allait pouvoir le faire. Je tendais les bras vers lui avant qu'il ne se lève. Il venait me serrer une nouvelle fois contre lui. J'ai toujours aimé faire des câlins à papa, parce que je me sens en sécurité dans ses bras. J'ai l'impression que rien ne peut m'arriver et que personne ne pourra me faire de mal. Douce illusion, mais qu'importe. Il embrassait mon front avec tendresse avant de se relever. « Je t'aime papa. » dis-je doucement, d'une vois soudainement endormie. Oui, j'aime mon père, seul parent qui m'élève jour après jour. Il est sans aucun doute la personne la plus importante pour ma personne. Il se tournait vers moi au moment où il allait sortir de la pièce éclairée d'une simple veilleuse. « Moi aussi je t'aime mon petit coeur. Plus que tout. » Je fermais les yeux en souriant légèrement. Puis en peu de temps je ne pensais plus à rien. Trou noir. Néant. Je dormais profondément. 


J'étais dans le noir complet, je ne voyais absolument rien, même pas le bout de mon nez. J'essayais d'avancer à tâtons dans ce couloir qui semblait ne jamais finir en m'aidant du mur. Je ne savais pas comment j'étais arrivée ici, ou je ne m'en rappelais plus. D'ailleurs, c'était quoi cette endroit ? J'étais morte de peur, et ma peau était glacée tant la température était basse. Je n'avais qu'une seule envie : pouvoir sortir d'ici, et vite. J'avançais, sans savoir où je devais aller, ni que faire. Perdue, j'avais l'impression d'errer dans ce lieu inconnu et effrayant. J'avais peur du noir, c'est pour ça que je gardais toujours ma veilleuse allumée, mais là il n'y avait pas la moindre petite lumière. Le seul avantage, s'il en était vraiment un, c'est que mon ouïe était décuplé. J'avais l'impression de pouvoir entendre le moindre petit bruit, sauf qu'en plus du noir, il n'y avait que le silence. Un silence qui semblait pourtant faire un vacarme assourdissant. J'entendais juste le bruit des battements de mon coeur, beaucoup trop rapides. Puis soudain ces bruits de pas qui semblaient arriver derrière moi. Réflexe, ou instinct de survie, je lâchais le mur pour me mettre à courir, sans même voir ou j'allais. J'essayais d'aller le plus vite possible, et pourtant il semblait impossible de semer celui qui me suivait. Des larmes roulaient sur mes joues tant j'étais terrorisée, mais hors de question de m'arrêter. Je ne savais pas combien de temps je courais, mais j'avais l'impression que mes poumons étaient en feu tellement je faisais d'efforts. Je ne savais même pas ce que je tentais de fuir, mais tout ma raison me hurlait de courir le plus vite possible. C'est ce que je faisais jusqu'à ce que les bruits de pas cessent. Je m'arrêtais alors, essayant de reprendre mon souffle du mieux que je le pouvais. Tous mes sens étaient aux aguets, et j'étais prête à me remettre à courir s'il le fallait. Mais je n'e n'eu pas le temps. Je sentais une main se refermer sur mon cou et me soulever. J'essayais de me débattre mais je n'avais pas assez de forces. La poigne me serrait de plus en plus, comme pour m'étrangler. Je n'arrivais presque plus à respirer. Alors je me mis à hurler pendant que je le pouvais encore. « Papaaa ! » C'est à ce moment là que je me réveillais, me redressant d'un coup dans mon lit. Mon cri raisonnait encore dans la maison et j'entendais déjà mon père se levait précipitamment. Mon coeur battait fort dans ma poitrine, à m'en faire mal. Des larmes coulaient encore sur mes joues rouges. Ce n'était qu'un cauchemar..


J'étais assise à table, en face de mon papi que je surnommais affectueusement "papi chéri". Papa m'avait déposé ici quelques heures plus tôt comme il le faisait souvent ce moment. Je ne comprenais pas pourquoi il passait de moins en moins de temps avec moi. Il me répétait que c'est parce qu'il était fatigué, ou occupé, alors je me contentais de cette réponse. De toute façon je n'avais pas vraiment le choix. Je mangeais silencieusement la purée et le jambon qui se trouvaientt dans mon assiette. Papi était assis en face de moi, il ne disait pas un mot pour le moment, si bien que le silence s'était installé dans la pièce. Je ne savais pas quoi dire à mon grand-père qui semblait fatigué et ailleurs. Je voyais bien qu'il réfléchissait, mais j'ignorais à quoi. Puis comme si de rien était et qu'il revenait enfin à lui-même, il me demandait : « Ton papa m'a dit que tu fais souvent des cauchemars en ce moment. »  Il me regardait avec intérêt, et moi je hochais la tête, de haut en bas, pour signifier que c'était effectivement vrai. Je faisais souvent des cauchemars affreux en ce moment, quasiment toutes les nuits, en fait. Toujours e même genre, j'étais dans le noir et j'essayais de fuir quelque chose qui finissait par m'attraper, et par essayer de me faire du mal. Puis à chaque fois je me réveillais en sursaut et en hurlant. « Et que ce passe t-il dans ces cauchemars, Lisana ? »  Il avait l'air de vraiment s'y intéresser, et je me disais que c'est parce qu'il m'aimait, et que peut-être il pourrait m'aider à pouvoir dormir sans craindre de faire un nouveau cauchemar, encore une fois. « À chaque fois je suis dans un endroit tout noir, ça fait vraiment peur. Et puis j'entends des bruits de pas, alors je me mets à courir, sauf que le méchant, il réussi toujours à me rattraper. Il me prend par le cou et il essaye de m'étrangler. J'arrive plus à respirer, alors du coup je cri pour que quelqu'un vienne m'aider.. Et je me réveille. » Je baissais les yeux, un peu honteuse de faire de tels mauvais rêves. Et puis, rien qu'à y repenser, mon coeur se mit à battre plus vite. Je n'avais définitivement plus envie de me retrouver de nouveau dans cet endroit sombre encore une fois. Je voulais que mes cauchemars disparaissent enfin à tout jamais, et que je puisse dormir tranquillement. Mon grand-père me regardait, avec un air grave cette fois-ci, comme si je venais de dire quelque chose de mal. Puis il se remit à réfléchir encore une fois, pendant quelques longues secondes. « Je connais quelque chose qui pourrait te permettre de vaincre le méchant, Lise. C'est comme les poésie que tu apprends à l'école. Je vais te l'apprendre. »  Il se levait et je le suivais. J'étais heureuse que mon papi puisse m'aider sur ce coup là. Et puis ça avait l'air simple, il suffisait juste que j'apprenne une "poésie" pour tenir les monstres éloignés. Il se dirigeait vers son bureau, cette pièce où je n'avais normalement pas le droit de pénétrer. C'était une petite pièce, surtout remplie de livres et de bibelots étranges. Il cherchait quelque chose dans sa bibliothèque et finit par sortir un vieille ouvrage plein de poussière, qu'il posa ensuite sur son bureau en bois. Il l'ouvrit et le feuilletait tandis que je montais à genoux sur la chaise. Un sourire satisfait se dessinait sur les lèvres de mon grand-père lorsqu'il trouva la bonne page. « Bien, tu vas essayer de répéter après moi, d'accord ? »  Je hochais la tête en souriant grandement, et je regardais les pages où des phrases en écriture manuscrite et serrée était jaunies par le temps. « Exsurgat Deus et dissipentur inimici ejus »  J'essayais de prononcer ça, mais je ne pu m'empêcher de rire pour la bonne et simple raison que je ne comprenais absolument rien à ce que mon grand-père tentait de me faire répéter. J'ignorais totalement qu'il s'agissait de supplique utilisé par les exorcistes, comme mon papi. Je ne savais pas qu'il venait de commencer ma formation, et qu'il voulait me transmettre son métier, si confus à mes yeux de petites filles. Il me reprenait, encore et encore, jusqu'à ce que je connaisse le texte par coeur avec une bonne prononciation. Autant dire que ça nous avait pris une bonne partie de 'après-midi. « C'est bien Lisana. Un jour tu deviendras une bonne exorciste, comme ton papi. »  »