Paris, fin juillet 2013. Terrasse ensoleillée d'un café plutôt vide. Un temps sec et lourd. Aussi lourd que les mots qui se délie de la bouche de cet homme, et de son histoire qui se déroule.

« Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là, assis, à vous regarder. Le temps, il peut être parfois fluide, il est difficile de le maîtriser mais dans mon métier il le faut. Le temps est mon ennemi le plus redoutable. La patience, c'est la plus grande qualité d'un homme. Je dois apprendre à l'apprivoiser, la dompter, faire d'elle mon amie la plus précieuse. Un combat que l'on ne gagne jamais vraiment, la tâche est rude.

Qui suis-je ? Personne. Un nom ? Je n'en ai pas, je n'en ai jamais eu. Si vous vous demandez comment les gens s'adresse à moi, officiellement je vous direz qu'ils ne s'adressent qu'indirectement à moi. Luther. C'est un nom qui me correspond parfaitement. Même si ce n'est pas le vrai. Je m'appelle Birzhan. Non, ce n'est pas mon vrai nom non plus. Mais j'aime celui-ci. Une sonorité rauque, sans appel. Comme un cri. Un cri de terreur. Oui, vous pouvez m'appeler ainsi. Je ne vous dévoilerais pas mon vrai nom, il pourrait m'envoyer tout droit à ma perte.

Pourquoi ? Quelle question. Pour le frisson que ça procure. N'avez-vous jamais rêvé de voir la flamme s'éteindre dans les yeux d'une personne, et de savoir que c'est vous qui l'avez aidé à cesser les battements de son coeur. L'espace d'un instant, je deviens l'égal de Dieu. Entre mes mains, je sens la vie, mais aussi le pouvoir. C'est moi qui tranche, qui décide. Comme l'arbitre final de leur vie sans intérêt pour la plupart. Une légère pression du bout des doigts et le travail est fais, je n'ai qu'à embaucher la récompense. Alors je recommence sans cesse. Comme une drogue. Une addiction morbide et malsaine, mais j'aime ce que je fais.

Des remords ? Non, aucun. Je ne regrette rien, pourquoi le ferais-je ? J'ai pris ce que j'avais à prendre en laissant ce que je ne voulais pas. Je suis heureux ainsi. Je n'en ai pas l'air ? Mais c'est le cas. Je suis un homme riche, comblé. On ne me refuse jamais rien, mieux encore, on me paie pour que j'exerce un jeu qui me passionne. Alors les regrets, je ne les garde jamais bien longtemps. Ne jamais regarder en arrière, c'est la règle d'or. Ne pas revenir sur ses pas ni sur ses pensées, rester fidèle à sois même surtout. Puis, je suis un démon il ne faut pas l'oublier, alors les remords ne me sont jamais adressés.

Des amis ? Pour quoi faire ? A quoi bon ? Je n'ai pas le temps d'avoir des amis, ni le luxe de pouvoir en choisir. Oui autre fois je m'entendais bien avec quelques uns de mon espèce, j'étais là pour ça, pour plaire, pour divertir. Mais aujourd'hui tout à changer, vous en doutez ? Alors mettez moi au défis de tuer un de mes anciens amis, je vous rapporterais sa tête sur un plateau monsieur, sur un plateau en or. Je suis bien placé pour savoir qu'on ne peut faire confiance à personne autour de nous. Rien ne dure jamais, surtout pas l'amitié, ni la loyauté. Je ne prend pas le risque, je suis bien seul. Au final, j'aime mes victimes. C'est d'elles que je me sens le plus proche.

Pour la plupart des personnes qui pratiquent mon métier, l'espérance de vie est très basse. Ceux qui atteignent 30 ans peuvent s’estimer heureux. De mon côté, je suis immortel. Je vis depuis très longtemps vous savez. J'ai connu beaucoup de chose, et même si je sais que je ne risque pas de mourir, j'aime faire comme si j'étais une personne normal. Mesurer le risque comme si mon sang pouvait couler. Que mon cœur pouvait cesser ses battements à tout moment. Si j'avais été humain, je serais entre quatre planche de sapin depuis fort longtemps vous savez. Lorsque le système n'a plus besoin de  vos service, ils vous jettent comme un vulgaire déchets. Vous en êtes la preuve, je ne pense pas me tromper en affirmant qu'ils vous envoie pour me tuer. Je comprend. Ils veulent laisser la place à la jeunesse, mais ils ne savent pas que jamais je ne leur ferais ce plaisir.

Je vous laisse sans voix ? Vous vous demandez pourquoi je vous dis tout cela. Parce que vous n'êtes pas un danger pour moi, voilà pourquoi je préfère vous apprendre ce que je connais plutôt que vous tuer tout de suite et vous empêcher d'envoyer des âmes en enfer. Il faut que vous apprenniez. On ne naît pas tueur, on le devient. Petit à petit, mort après mort : on se construit. On se donne son identité en fonction de sa manière de procéder. Chacun à une façon différente d'ôter la vie de ses cibles.

Moi, c'est une balle entre les deux yeux. Net et précis, pas de bavure. Du travail propre et un cadavre présentable. J'attache beaucoup de soin au service après vente. Je respecte mes victimes, c'est grâce à elle que je peux vivre confortablement. Mais il m'arrive de faire bien plus que ça. Je change pas mal de manière d'agir. Le seul point commun entre tout mes meurtres est l'inscription au marqueur que je grave sur la nuque des cadavres. Des numéros. Je ne fais pas cela pour marquer mon territoire comme font tout les autres. Non. Je le fais pour provoquer la police, pour m'amuser, les faire cogiter. C'est ma signature. La seule véritable preuve de mon identité.

Je pourrais vous dire de ne pas vous faire de souci. Que je ne tue que les ordures, les connards qui méritent ce qui leur arrivent. Mais ce serait un mensonge. La plupart de mes victimes sont des gens sans histoire, juste la malchance d'être un peu trop riche. J'ai eu mon apogée, je tuais dans le grand luxe pour des pontes de la finance, pour des parrains riches à en pâlir, pour des hommes politiques qui ne voulaient pas se salir les mains. Et je continu aujourd'hui. Mais je monte le niveau d'un cran.

Maintenant, si vous voulez bien m'excuser, je dois rentrer. Mon livre, mon cigare, ma musique et ma bouteille de vin m'attendent. Mais en tout cas, je vous souhaite bon courage pour la suite gamin. Et la prochaine fois que vous êtes envoyé pour me faire la peau, réfléchissez-y à deux fois. Je vous laisse la vie sauve cette fois-ci, mais je ne suis pas toujours d'humeur égale. Attention, fais gaffe à vos arrières. Je ne dormirez que d'un œil si j'étais vous. »

L'homme sort de la terrasse calmement. L'arme de la concurrence à la main.